Entretien avec TRI-VIZOR: en faire plus avec moins d'émissions de CO2
Temps de lecture 13 minutesTRI-VIZOR a vu le jour en 2008. Les partenaires Alex Van Breedam et Bart Vannieuwenhuyse se penchent depuis lors ensemble sur la durabilisation du secteur des transports. Et ils montrent que cela est parfaitement compatible avec des marges bénéficiaires plus élevées et des processus optimisés pour leur portefeuille de clients. Ils nous partagent leur plaidoyer pour la durabilité et leur vision de l'avenir dans cette double interview.
TRI-VIZOR est un « Cross Supply Chain Orchestrator »
TRI-VIZOR est depuis plus de 15 ans ce que l'on peut appeler le premier Cross Supply Chain Orchestrator au monde. « Depuis le début, notre mission consiste à favoriser des collaborations entre entreprises qui se situent au même niveau de la value et supply chain, même si elles sont en fait concurrentes », explique Bart Vannieuwenhuyse. « TRI-VIZOR facilite le carpooling pour les marchandises. Nous encourageons le secteur des transports à revoir sa façon de penser et à évoluer. Nous montrons à nos clients qu'il est possible de faire le même travail d'une manière plus intelligente, plus efficace et plus durable. »
« Notre rôle est double : d'un côté, nous fonctionnons en tant qu'architecte qui met en place le partenariat, et d'autre part, nous remplissons le rôle de community manager, ou de « fiduciaire neutre ». Nous faisons avancer la collaboration et explorons les possibilités d'optimisation. Nous ne sommes en aucun cas impliqués dans le fonctionnement opérationnel de la collaboration proprement dite », explique Alex Van Breedam.
Une collaboration qui optimise les processus de travail
Plus la relation avec le concurrent est difficile, plus il est important d'affiner les « procédures opérationnelles standard ». Alex Van Breedam : « Un exemple intéressant est celui de l'industrie du saumon en Norvège. Le pays ne compte que quatre producteurs d'aliments pour saumons, et deux d'entre eux ont désormais uni leurs forces. Une étude a montré que les aliments pour saumons pouvaient être distribués de manière plus durable et plus efficace si les deux producteurs travaillaient ensemble et partageaient leurs flottes. Il a ainsi été facile de remédier aux faibles taux d'occupation, d'optimiser les itinéraires de navigation et de réduire l'impact environnemental et les coûts. »
Pourquoi ces producteurs d'aliments pour saumons ont-ils frappé à la porte de TRI-VIZOR ? Ils voulaient plus de durabilité sans sacrifier leur marge bénéficiaire. La baisse des coûts est bien sûr un bon incitant pour encourager les entreprises à s'engager davantage en faveur de la durabilité. Bart Vannieuwenhuyse : « Notre devise est : en faire plus avec moins. Plus de services, plus de marge bénéficiaire, plus d'efficacité, avec moins de coûts, moins de difficultés et moins d'émissions de CO2. »
« Collaborer avec un concurrent n'est pas forcément évident, mais est très stratégique »
L'influence du changement de comportement du consommateur
Le secteur belge des transports compte aujourd'hui quelque 10.500 entreprises, dont 84 % n'ont pas de salariés. C'est un monde très fragmenté qui n'est pas tenable d'un point de vue durabilité. Les statistiques montrent que trois camions sur quatre seulement reviennent remplis, et même dans ce cas, le taux de chargement des camions remplis est bien trop faible. « La cause est à chercher dans le changement de comportement du consommateur », explique Bart Vannieuwenhuyse. « Nous attendons une livraison rapide et les commandes sont plus petites, mais plus fréquentes. Cela signifie que tous ces achats sont répartis sur un nombre beaucoup plus important de transports. Si nous voulons maintenir des délais de livraison rapides, il devient presque impossible de regrouper les transports. Nous devons donc oublier les petites livraisons rapides. Le « déstressage » de la chaîne d'approvisionnement offre plus d'opportunités et de marge de manœuvre, et encourage les collaborations. »
Bart Vannieuwenhuyse
Éviter les files électrifiées
Bart Vannieuwenhuyse : « Sortir du « quick commerce » relève de la responsabilité de toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement. Il faut des politiques appropriées, qui comprennent également la mobilité des marchandises. Pensez aux zones basses ou zéro émissions, ou à une réorganisation des transports sur le dernier kilomètre. En se concentrant structurellement sur la durabilité, il est possible d'obtenir les mêmes résultats en parcourant moins de kilomètres. Au final, le kilomètre le plus durable est celui que vous ne devez pas parcourir. »
Alex Van Breedam : « Remplacer tous les camions diesel par des véhicules électriques ne résoudra pas le problème des files et de la durabilité. Vous aurez juste des files électrifiées. Le secteur des transports représente 16 % des émissions dans le monde. Un chiffre non négligeable quand on sait que ce secteur est un des rares à ne pas être parvenu à réduire ses émissions de CO2 ces cinq dernières années. Ce qui est inquiétant, c'est qu'une réduction des émissions de CO2 n'est pas attendue avant 2027 au plus tôt, quelle que soit l'évolution de notre économie. La question se posera donc bientôt de savoir si cela est encore socialement justifiable. »
« Le kilomètre le plus durable est le kilomètre que vous ne parcourez pas »
Focus sur les opportunités
Il est clair que nous ne devons pas attendre les dernières technologies pour prendre des mesures de durabilité. Bart Vannieuwenhuyse : « Nous pouvons déjà agir avec les connaissances que nous possédons déjà. Un camion électrique coûte peut-être trois fois plus cher à l'achat, mais la différence n'est pas si grande en termes de coût total de possession. Les frais d'entretien sont plus faibles et les émissions ne sont pas taxées. Le secteur des transports se heurte aujourd'hui à trop de problèmes liés à l'électrification : les infrastructures de recharge sont insuffisantes, les temps de recharge rapide doivent être liés aux temps de repos des chauffeurs, et un camion chargé ne roule pas aussi longtemps que ne le suggèrent les tests effectués avec des camions vides. Mais je pense que nous devrions nous concentrer sur ce qui est déjà possible. Je pense par exemple aux hubs pour organiser le dernier kilomètre. Rassemblez les volumes et passez d'un transport longue distance à un système de distribution urbaine, comme c'est le cas dans la logistique portuaire. Ne faites pas l'erreur de croire qu'un camion plein est synonyme de transport durable, car tant que ce camion devra parcourir un nombre incalculable de kilomètres, on ne pourra pas parler d'amélioration. »
Alex Van Breedam
Durabilisation dans l'intérêt de toutes les parties prenantes
Il y a dans le monde 185 millions de containers. En soi, la moitié suffirait pour faire autant de travail, ce qui entraînerait déjà une réduction significative des émissions de CO2. Il n'y a toutefois pas assez de collaboration, et beaucoup trop de containers rentrent donc à vide. Bart Vannieuwenhuyse : « Le propriétaire d'un container veut bien sûr avoir l'assurance qu'une nouvelle méthode de travail lui rapportera au moins la même marge bénéficiaire et nous pouvons le lui garantir en utilisant les effets de consolidation de la collaboration et en en faisant bénéficier les propriétaires de containers. Malheureusement, nous constatons que l'intérêt est encore souvent trop faible. Pour beaucoup, le « sentiment d'urgence » n'est pas encore assez fort et il faut donc un changement de mentalité pour provoquer le changement. »
« La décision de collaborer avec votre concurrent n'est peut-être pas l'option la plus évidente, mais elle est très stratégique », ajoute Alex Van Breedam.
« Passer aux véhicules électriques ne sera pas suffisant pour résoudre le problème de la durabilité. »
Priorité aux objectifs réalistes
Selon Alex et Bart, le zéro émission est un objectif impossible dans le secteur des transports. Le but doit être de proposer une logistique avec un impact aussi faible que possible sur le climat et notre environnement. Alex Van Breedam : « Dans le secteur des transports, l'utilisation d'huile végétale hydrotraitée (HVO) gagne de plus en plus de terrain, même si elle nécessite un supplément de 15 % par rapport au gazole ordinaire. Un certain nombre d'entreprises sont certes prêtes à payer ce supplément, mais tout le monde n'est pas forcément ouvert à cette idée. L'HVO peut être vue comme une étape intermédiaire vers la conduite électrique en permettant aux moteurs existants de continuer à être utilisés pendant un certain temps.
En Chine, on travaille déjà sur des « batteries d'échange » pour les véhicules électriques, en échangeant simplement la batterie vide contre une batterie pleine, au lieu d'attendre que la batterie soit complètement chargée. Des travaux sont également menés en ce sens dans le domaine de la navigation intérieure, par exemple. Cela permet un sérieux gain de temps. Mais pour que cela soit possible, il faut que tous les fabricants aient la même batterie, ce qui n'est pas encore le cas chez nous. »
Un regard sur l'avenir
Une évolution positive dans le secteur des transports serait le passage à un modèle communautaire, similaire au principe d'un groupe Facebook, où les acteurs se réuniraient, partageraient leurs expériences et mettraient le cas échéant les volumes en commun. Alex Van Breedam : « Une offre appropriée serait ensuite recherchée pour un ensemble de demandes de transport. » Bart Vannieuwenhuyse : « Nous pourrions en outre ajouter une étiquette numérique à nos colis afin que l'itinéraire le plus efficace puisse être déterminé automatiquement en fonction de la circulation, au lieu d'envoyer séparément chaque entreprise sur la route avec ses propres chauffeurs. »
« Le transport est aujourd'hui un système de taxis, qui implique d'innombrables déplacements en tous sens, alors qu'il serait préférable d'évoluer vers un système de bus avec de grandes liaisons fixes, avec ou sans chauffeur. La première étape consistera donc à cesser d'organiser le transport de manière individuelle et à regrouper l'ensemble du trafic de marchandises par flux de marchandises », conclut Alex Van Breedam.
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